Histoire

1. Aux origines (… – 1914)

Au 19ème siècle en Allemagne, aucune race homogène de chien de berger n’émergeait de manière claire. À cette époque, on observait plutôt divers types régionaux tels que les bergers de Wurtemberg, de Thuringe, de Souabe, de Bavière ou de la Hesse.

Durant les années 1870, la crise rurale due à la révolution industrielle entraîna une diminution du nombre de chiens de berger. Cependant, cette période suscitait également un nouvel intérêt pour ces précieux animaux. La disparition progressive des traditions rurales donnait naissance à une tendance de redécouverte des valeurs de la campagne, transformant ainsi le chien de berger en un animal de compagnie en ville.

C’est à cette période, que les Allemands optèrent pour la création d’une race nationale de chien de berger, représentant la rigueur et la qualité allemandes et présentant une homogénéité morphologique. Tandis que les Français cherchaient à préserver différents types régionaux de chiens de berger.

Des éleveurs allemands firent une première sélection à partir de 2 races :

  • le Berger de Thuringe, au poil court et gris et aux oreilles droites, dont la rapidité et la vigilance faisaient de ces chiens de remarquable conducteur de troupeaux,
  • le Berger de Wurtemberg, au poil sombre et épais, dont le rôle était de protéger les troupeaux en montagne.

Dans les années 1890, entra en jeu celui que l’on reconnaît légitimement comme le fondateur de la race du Berger Allemand, Max Emil Friedrich von Stephanitz (1864-1936).

Né à Dresde en 1864, il embrassa une carrière militaire jusqu’à être promu Capitaine de Cavalerie (Rittmeister) en 1898.  Il quitta l’armée et s’installa en Bavière, où il commença à s’intéresser au chien de berger allemand.

En 1899, il assistait avec son ami Arthur Meyer à une exposition à Francfort, où il eut un coup de foudre pour un jeune chien de Thuringe, qu’il rebaptisa Horand Von Grafrath.  Von Stephanitz avec Arthur Meyer et Ernst von Otto, décidèrent de créer un club de race, nommé Verein für deutsche Schäferhunde (SV) et un livre des origines, le Zuchtbuch für deutsche Schäferhunde (SZ) au sein duquel Horand Von Grafrath fut le premier sujet inscrit, nom de code SZ 1.

Cette même année 1899, le premier standard de la race fut publiée lors de l’assemblée générale du SV. Von Stephanitz dicta la ligne de conduite qu’il souhaite indéfectible.

Est Berger allemand tout chien de berger qui vit en Allemagne et qui, grâce à un exercice constant de ses qualités de chien de berger, atteint la perfection de son corps et de son psychisme, perfection appréciée uniquement sous l’angle de l’utilité.

Max von Stephanitz

Notons que le grand-père maternel de Horand Von Grafrath, prénommé Greif von Sparwasser, était un chien de berger à robe blanche, qui serait à l’origine du Berger Allemand (beauté, travail, poil long), du Berger Blanc Suisse et de l’AS.

Le succès du Berger Allemand ne démentait pas, et dans les années 1910, il gagna en popularité en Europe, au Royaume-Uni et aux États-Unis où émergèrent différents clubs de race.  En France, l’arrivée du Berger Allemand se fit à travers le Club français du Chien de Berger Allemand (CFCBA), créé en 1910. Puis en 1913, Georges Barais, créa le club du Berger d’Alsace.

2. La Première Guerre Mondiale et l’entre-deux guerres (1914 – 1939)

Eté 1914, la Première Guerre Mondiale fut déclenchée suite à l’attentat de Sarajevo. L’Allemagne disposait d’environ 6000 chiens militaires dès le début des hostilités, tandis que la France n’en comptait que 250.

Cette même année la France était en retard sur l’utilisation des chiens militaires, le commandement militaire ordonna la réquisition des chiens des citoyens pour participer à l’effort de guerre.

Au cours de l’année 1915, les chiens militaires apprirent à se mouvoir avec un masque à gaz, pour se protéger des armes chimiques tels que le gaz moutarde.

En décembre 1915, l’usage des chiens militaires devint officiel avec la création d’un service des chiens de guerre au sein de l’infanterie.

Durant la Grande Guerre, l’usage des chiens fut multiples : chiens de ronde et sentinelles, chiens attrape-rats dans les tranchées, chiens sanitaires, chiens télégraphistes (munis d’une bobine de fil, pour rétablir des lignes de communications coupées), chiens messagers (principalement formés dans le chenil d’Étaples), chiens transporteurs de munitions etc.

Pour effacer tout attachement à l’Allemagne au lendemain de la Première Guerre Mondiale, le Berger Allemand se fit désormais appelé « Chien de berger » aux États-Unis, « Chien-loup Alsacien » au Royaume-Uni et « Berger d’Alsace » en France.

En France, le club du Berger d’Alsace créé en 1913 deviendra ensuite en 1920 la Société du Chien de Berger d’Alsace (SCBA), et enfin en 1922 la Société du Chien de Berger Allemand.  

L’histoire de Rintintin :

Le 15 septembre 1918, des soldats de l’armée de l’air américaine découvrent une chienne berger allemand avec ses cinq jeunes chiots, seuls survivants du chenil d’un camp de l’armée allemande à Flirey (Meurthe-et-Moselle), qui a été bombardé. Les soldats décident de garder les chiens et les répartissent entre eux. Le caporal Lee Duncan choisit d’adopter deux des chiots, qu’il nomme Nénette et Rintintin, en référence à des poupées porte-bonheur populaires en France à l’époque ; malheureusement, la femelle ne survit pas.   Rintintin, quant à lui, devient une véritable star, apparaissant dans une trentaine de westerns de la Warner Bros à partir de 1923. Rintintin meurt en 1932. Lee Duncan fait rapatrier son corps en France où il est enterré au cimetière des chiens d’Asnières, il obtient également son étoile sur Hollywood Boulevard. D’autres bergers allemands interpréteront son rôle dans des films et une série télévisée, contribuant ainsi à maintenir la popularité de cette race dans l’esprit du public.

Les séquelles du gaz moutarde conduisit à la cécité de milliers de soldats pendant la Première Guerre mondiale, et engendra le développement des chiens guides, parmi lesquels on retrouva de nombreux Bergers Allemands. En 1923, l’association allemande de bergers allemands ouvrait un centre d’éducation à Postdam.

1931, Grande Bretagne, quatre chiens guides sont remis à des vétérans de la Première Guerre mondiale

Dans les années 1930, plusieurs membres influents du parti nazi s’étaient activement impliqué dans le club du berger allemand, allant même jusqu’à en prendre le contrôle. Leur objectif était de produire des chiens pour leur apparence physique plutôt que pour leurs capacités, une philosophie diamétralement opposée à celle pour laquelle Max von Stephanitz avait œuvré.  Le service de propagande du parti exploitait le courage et la fidélité légendaires du berger allemand pour en faire un symbole du national-socialisme, allant jusqu’à présenter Blondi, la chienne d’Adolf Hitler, dans les photos officielles du dictateur.

Blondi, chienne d’Adolf Hitler

A cette époque, certaines portées continuaient de donner naissance à des bergers allemands blancs, qui portaient en eux un gène récessif masquant les pigments foncés et produisant une robe blanche. Les nazis prétendirent à tort que ces chiens étaient sujets à des problèmes de santé tels que la surdité, la cécité et l’instabilité mentale. Ils considéraient cette couleur comme altérant la pureté de la race et déformant la couleur des bergers allemands. La couleur blanche fut définitivement écartée du standard en 1933, les chiots blancs furent interdits d’élevage et d’exposition, et euthanasiés à la naissance.

Par chance, certains éleveurs, notamment aux États-Unis et au Canada, continuèrent de produire des bergers allemands blancs, qui donnèrent lieu au Berger Blanc Suisse. « Suisse » car la Suisse œuvra grandement pour faire reconnaitre officiellement la race par la Fédération Cynologique Internationale (FCI), ce fut le cas en 2011.

Max von Stephanitz, s’éteignit en 1936 laissant derrière lui un ouvrage de près de 800 pages dédié au Berger allemand, « Der deutsche Schäferhund in Wort und Bild » traduit également en anglais sous le titre « The German Sheperd dog in word and picture« .

3. La Seconde Guerre Mondiale et l’après-guerre (1939 – 1989)

En 1939, la Seconde Guerre Mondiale éclata, et l’élevage du Berger Allemand connu un ralentissement considérable. En effet, de nombreux propriétaires furent mobilisés dans l’armée allemande, entraînant la réquisition des meilleurs chiens disponibles et réduisant ainsi le nombre de spécimens reproducteurs.

Au cours du conflit, l’Allemagne fut le pays qui utilisa le plus de chiens, avec près de 200 000 individus déployés. En revanche, la France n’en utilisa que quelques centaines, convaincue que la mécanisation et la modernisation des armées rendaient le chien superflu.
Ce qui ne fut pas de l’avis de l’armée russe, qui engagea des chiens antichars (plus de 1500), dressés à manger sous les chars puis affamés pendant 2 jours, ils étaient envoyés vers les blindés ennemis équipés d’un explosif déclenché au contact du métal.

Les chiens sanitaires furent pour la première fois utilisés comme chiens de catastrophe à Londres, où ils furent déployés pour rechercher des victimes parmi les ruines ; et ce malgré l’épisode tragique et honteux de l’histoire britannique où l’hystérie, en prévision du manque de ressources, conduit la population à euthanasier plus de 200 000 chiens…

En 1945 l’Allemagne nazie étaient en plein effondrement, Hitler ordonna au Dr. Werner Haase de tester ses capsules de cyanure sur Blondi, afin de s’assurer qu’elles étaient efficaces en vue de se suicider avec sa femme Eva Braun. Les souvenirs de la capture par la foule de Benito Mussolini était encore gravés dans sa tête, il ne voulait pas être capturé par les soviétiques qui étaient aux portes de Berlin.

La séparation de l’Allemagne en deux en 1949 donna naissance à la République Démocratique Allemande (RDA) / Deutsches Demokratische Republik (DDR) et la République Fédérale Allemande (RFA). C’est suite à cet évènement que les lignées de Berger Allemand de l’Allemagne de l’Est dites DDR firent leur apparition.

Entre 1949 et 1961, une importante migration d’Allemands de l’Est vers l’Ouest eut lieu, incitant les autorités à ériger un mur divisant Berlin en deux. Ce moment marque le début de la Guerre froide, qui eut un impact majeur sur la race, entraînant 40 années d’ « élevage fermé » et l’utilisation importante de chiens de garde dans le no man’s land séparant Berlin.

Le gouvernement est-allemand exerçait un contrôle total sur le programme d’élevage du Berger Allemand, le considérant comme un chien militaire. Des directives d’élevage très strictes furent mises en place pour créer un chien vif, robuste, puissant, capable de résister à des conditions et des exigences physiques extrêmes tout en étant peu sujet aux maladies. Ces directives incluaient également l’aptitude au travail, par l’endurance, la ténacité et le flair pour la recherche.

Cette dure sélection créa le Berger Est-Allemand, également appelé Chien de Berger DDR.
Ces chiens possédaient une robe sombre (fauve charbonné, gris foncé, noir, noir – fauve), une forte ossature et une large tête.

Du fait de leurs aptitudes, les Bergers Est-Allemand furent grandement utilisés comme chiens de garde et comme chiens pisteurs par les garde-frontière Est-Allemands (Grenztruppen der DDR), afin de surveiller la frontière et traquer les intrus.

Par ailleurs, dans le no man’s land séparant Berlin, entre 6 000 et 10 000 Bergers Est-Allemand furent utilisés comme chiens de garde. Ils étaient attachés à une chaîne de 5 mètres reliée à un câble de 100 mètres de long ne laissant que la possibilité au chien de courir parallèlement au mur.
Les chiens vivaient, ou plutôt survivaient, dans des conditions effroyables, affamés, isolés, sans abri par froid glacial ou soleil brûlant

A partir de 1966, un examen radiographique des hanches doit être effectué sur tous les bergers allemands enregistrés par le SV pour lutter contre la dysplasie des hanches.

Du fait de l’adoption de cette politique de sélection rigoureuse par les éleveurs de l’Allemagne de l’Est, plus de 90 % des Bergers Est-Allemand étaient exempts de dysplasie de la hanche en 1987. Cette réussite marquait une avancée significative dans la santé de la race. Le programme d’élevage de Bergers Est-Allemand durant cette période contrastait nettement avec celui du SV en Allemagne de l’Ouest, où moins de 50 % des bergers allemands étaient exempts de dysplasie.

Effectivement, en Allemagne de l’Ouest les éleveurs s’étaient plutôt orientés à sélectionner un chien de beauté (couleur noir et feu, dos en pente, angulations plus prononcées, gabarit fin). C’est ainsi que pour satisfaire les demandes, les éleveurs firent subir à la race un pourcentage de consanguinité plus élevé, responsable de l’apparition de chiens moins robustes, et l’apparition de changements physiques (chiens plus petits, plus fins). Un illustre représentant de cette sélection est Uran vom Wildsteiger Land.

4. De la chute du mur de Berlin à Aujourd’hui (1989 – …)

Après la chute du mur de Berlin en 1989, la frontière entre RDA et RFA n’existant plus elle n’avait plus à être gardée, et donc tous les chiens de garde furent vendus, abandonnés ou euthanasiés. Heureusement les associations de protection des animaux allemandes intervinrent pour sauver un maximum de chiens, en les plaçant dans des familles d’accueil.

Parmi les chanceux, deux Bergers Est-Allemands, Juro et Betty, virent leurs vies changer radicalement en étant adoptés par une famille sur l’île de Majorque, passant de l’enfer allemand au paradis espagnol.

Après ce long exposé, on comprend donc que l’Altdeutsche Schäferhunde est une race relativement récente, n’est pas « l’ancêtre du Berger Allemand », mais plutôt un cousin / descendant du Berger Est-Allemand (DDR).

Il est aussi communément appelé « Berger Allemand Ancien Type« , mais ne doit pas être confondu avec les Bergers Allemands poil long qui eux sont reconnus par la FCI depuis 2011. Ni avec les Altdeutsche Hütehunde, qui n’ont pas grand-chose à voir à part le nom, car sous cette appellation se cachent de nombreux chiens de troupeaux, portés par l’Arbeitsgemeinschaft zur zucht Altdeutscher Hütehunde (AAH).

Nous terminerons sur les paroles de Max Von Stephanitz, qui était sans équivoque au sujet de l’importance d’un dos droit chez un Berger Allemand :

« Le dos doit être droit et puissant »
« Si le dos haut est moins favorable, du point de vue du juge, qu’un dos droit, il est en tout cas meilleur qu’un dos courbé […] »

Extrait du Chapitre 5 de « Der deutsche Schäferhund in Wort und Bild », Max von Stephanitz, 1921

Sources

Internet :

http://www.ucfas.fr/la-race/lhistoire-de-la-race
https://www.lebergerallemand.fr/le-berger-allemand/histoire-du-berger-allemand
https://www.centrale-canine.fr/articles/le-berger-allemand-lhistoire
https://www.schaeferhunde.de/en/the-club/structur/history
https://www.theworldwar.org/fr/learn/about-wwi/dogs-wwi
https://www.canidea.fr/un-peu-d-histoire/
https://www.a-a-h.org/

Bibliographie :

VON STEPHANITZ, Max.  Der deutsche Schäferhund in Wort und Bild.  Verein für Deutsche Schäferhunde 1921
VON STEPHANITZ, Max.  The German Shepherd Dog in Word and Picture.  Verein für Deutsche Schäferhunde 1923
JAMAKORZYAN, Guillaume. Le Berger Allemand Chien de Guerre. Indépendant 2023